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Comptes-rendus (800)

Études bibliques et antisémitisme contemporain

Journée 2018 du dialogue catholique-juif en Italie

Lisa PALMIERI-BILLIG * | 28.02.2018

Depuis le 17 janvier 1970, le « Jour de l’approfondissement et du développement du dialogue entre catholiques et juifs » est célébré chaque année en Italie. Au cours de cette journée, les Églises catholiques et les institutions organisent des rencontres avec des représentants juifs.

Le premier dialogue public, il y a 29 ans, portait justement sur « Les racines juives de la foi chrétienne et la nécessité du dialogue ». Le thème de janvier 2018, après dix années consécutives d’exploration des interprétations chrétiennes et juives des Dix Commandements, portait sur les interprétations catholiques et juives du livre des Lamentations appelé Ékhah – signifiant « Pourquoi ? » en hébreu. Il s’agit d’un des cinq Meghillot ou « Rouleaux » ; il appartient au genre littéraire juif connu traditionnellement sous le nom de Qinot ou « lamentations, élégies, complaintes », comme l’a expliqué le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni dans son intervention à la commémoration de cette journée par l’Université pontificale du Latran. Ékhah, selon des interprétations plus modernes, concerne la théodicée c’est-à-dire la méditation théologique et philosophique sur la question éternelle de savoir pourquoi un Dieu bon permet le mal et la souffrance dans ce monde.

Jérusalem elle-même est le sujet du livre des Lamentations. Ékhah est un cri de profonde tristesse et de deuil pour la destruction du Premier Temple par les Babyloniens en 586 avant notre ère, suivie de l’exil du peuple juif, et de celle du Second Temple, cinq siècles plus tard, en 70 de notre ère. Le texte est lu au cours de la liturgie de Tichah B’Av, le 9 jour du mois hébraïque d’Av.

À l’Université pontificale du Latran, le rabbin Di Segni a illustré l’observance de ce jour de deuil en évoquant des images de prières à la lueur des bougies et de synagogues bondées. Selon Di Segni, cette journée de jeûne et de prières continue de refléter la centralité durable de Jérusalem dans la psyché juive, tandis que le deuil s’étend à la tragédie de la Choah et à d’autres massacres de l’histoire juive incluant les pogroms, l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, etc.

Il a souligné qu’une partie de l’intérêt de ce texte pour la compréhension entre juifs et catholiques réside dans un passage qui ressemble beaucoup à une citation bien connue des évangiles chrétiens. Il déclare qu’un homme affligé d’un malheur devrait « tendre la joue à qui le frappe… » (Lamentations 3,28-30). Ces paroles ont une affinité étonnante avec la recommandation de l’Évangile de « tendre ton autre joue à celui qui te frappe » (Matthieu 5,39 ; Luc 6,29). On trouve également affirmations similaires dans d’autres parties encore plus anciennes de la Bible hébraïque, comme en Ésaïe 50,6 : « J’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient, mes joues, à ceux qui m'arrachaient la barbe ; je n'ai pas caché mon visage face aux outrages et aux crachats. »

Répondant, après son discours à l’Université pontificale du Latran, à une question sur les principaux éléments qui séparent le christianisme du judaïsme, le rabbin Di Segni a déclaré que l’obstacle le plus insurmontable pour les juifs est la croyance chrétienne en la divinité de Jésus-Christ et toutes les pratiques religieuses qui découlent de cet article de foi.

Comme l’a dit un jour l’évêque Pierre Duprey, pionnier du dialogue judéo-chrétien : « Nos deux religions sont à la fois séparées et unies par Jésus le juif » – un paradoxe qui a donné lieu à des persécutions et à un antisémitisme haineux à travers les siècles. Aujourd’hui, dit Mgr Ambrogio Spreafico, président de la Commission épiscopale pour l’œcuménisme et le dialogue interreligieux, l’attention réciproque au dialogue et à l’étude recommandée par le Conseil œcuménique est « fondamentale, non seulement pour notre relation (chrétienne) avec le judaïsme mais aussi pour la compréhension de notre foi en Jésus de Nazareth qui était juif à tous égards ».

Rappelant le document Nostra Aetate de Vatican II (1965), fondement de la relation transformée entre catholiques et juifs qui vise à éradiquer l’antisémitisme sous toutes ses formes, Mgr Spreafico a déclaré : « L’antisémitisme et les préjugés antijuifs qui sont aujourd’hui souvent associés à l’antisionisme sont encore bien vivants de nos jours ». Pour illustrer son propos, il a rapporté qu’une enquête récente avait enregistré 382 000 messages antisémites toutes les 83 secondes sur le web. « Je ne pense pas que ceux qui les ont postés sont tous des athées ! » conclut-il.

Les perspectives chrétiennes sur le livre des Lamentations ont été présentées, entre autres, par deux leaders catholiques exceptionnels du dialogue judéo-chrétien : Piero Stefani, président du Secrétariat aux activités œcuméniques, dont les réflexions sont contenues, avec celles du rabbin Di Segni, dans le livret de la Conférence épiscopale italienne distribué comme guide des célébrations de cette année, et l’exégète biblique Maria Brutti, qui a parlé aux côtés de Di Segni à l’événement de l’Université pontificale du Latran.

Ils ont souligné comment cette liturgie a récemment été utilisée par les catholiques dans les services de funéraires pour différentes tragédies du monde contemporain. La professeure Brutti a aussi noté que la syntaxe littéraire sophistiquée du document (également soulignée par le rabbin Di Segni), avec les 22 lettres de la langue hébraïque introduisant l’une après l’autre chacun des 22 chapitres du livre, est un véhicule efficace pour l’expression d’une intensité de la souffrance, inexprimable autrement. Malheureusement, le livre des Lamentations a également été manipulé par les Églises pendant des siècles pour promouvoir l’antisémitisme chrétien, en l’interprétant, à tort, comme un document de théologie de substitution.

Un aperçu des moments clés des 53 années de relations entre juifs et chrétiens depuis Nostra Aetate, parmi lesquels les visites papales à la Grande synagogue de Rome et en Israël par les papes Jean Paul II, Benoît XVI et François, de même que la publication de documents fondamentaux par la Commission pontificale pour les relations religieuses avec les juifs, a été présenté par le P. Norbert Hofmann (secrétaire de la Commission) dans son éditorial pour L’Osservatore Romano. D’autres aperçus des événements dernier demi-siècle ont été offerts par le professeur Giuseppe Pulcinelli (directeur diocésain des relations avec les juifs de Rome) lors d’une discussion introduite par Mgr Marco Gnavi (délégué du Bureau diocésain pour l’œcuménisme) et modérée par le professeur Felix Korner au Centre d’études judaïques Cardinal Bea de l’Université pontificale grégorienne, avec le professeur David Meghnagi (directeur du Programme international de master en éducation à la Choah à l’Université de Rome 3). Tout en reconnaissant les grands progrès réalisés au cours des dernières décennies, le professeur Meghnagi a également mis en évidence des secteurs où l’antisémitisme se manifeste encore, tel celui des pèlerinages catholiques en Terre sainte, qui ne comportent pratiquement aucune visite de lieux saints juifs et celui de la diplomatie, demeurée silencieuse devant la récente motion de l’UNESCO qui mentionnait ces sites seulement par leurs noms musulmans, oblitérant ainsi leur signification pour la religion et le patrimoine juifs.

On a également accordé une grande attention à la récente déclaration juive Entre Jérusalem et Rome. Réflexions sur les 50 ans de Nostra Aetate – signée par les rabbins orthodoxes les plus éminents d’Israël, des États-Unis et d’Europe et les associations qu’ils représentent (Rabbinat d’Israël, Conseil rabbinique d’Amérique et Conférence des rabbins européens). Rédigé en 2015, ce texte a été présenté au pape François le 31 août 2017 par une délégation représentant le judaïsme orthodoxe. Bien que d’autres déclarations juives significatives sur le dialogue interreligieux, dont une signée par différents rabbins orthodoxes, aient précédé celle de l’été dernier, elles n’avaient pas eu le même impact profond. À la différence des précédentes, celle-ci a été approuvée à l’unanimité par les autorités juives orthodoxes les plus importantes à travers le monde.

Le document fait référence aux deux millénaires d’« enseignement du mépris » par les chrétiens, mais il reconnaît également les démarches fondamentales vers la réconciliation et l’expiation prises par l’Église catholique au cours du dernier demi-siècle. On y exprime l’espoir qu’en raison de patrimoine commun de valeurs morales, nous pouvons unir nos forces pour travailler à un avenir meilleur...

Mgr Ambrogio Spreafico, dans son éloquente introduction au guide préparé par la Conférence épiscopale italienne pour la Journée du dialogue, souligne deux aspects de Entre Rome et Jérusalem: un engagement juif à mieux faire connaître la nouvelle attitude de l’Église envers les juifs et le judaïsme, et un engagement catholique à faire circuler plus efficacement les documents de l’Église sur le dialogue avec le judaïsme afin que « l’antisémitisme et l’antisionisme soient définitivement bannis de sa théologie, de l’enseignement, de la prière et de la vie quotidienne et du langage utilisé par les fidèles catholiques ».

« L’espoir », conclut Spreafico, « est que tous, exégètes et théologiens, catéchistes et enseignants de la religion catholique, prêtres et laïcs, favorisent une meilleure connaissance de ce que l’Église catholique a produit au cours de ces 50 années, car sans connaissance mutuelle, il ne peut y avoir de dialogue et sans dialogue, la coexistence devient difficile sinon impossible. Le dialogue est la seule voie vers la paix ». 


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Editorial remarksTo top

* Représentante de l’American Jewish Committee (AJC) en Italie et agente de liaison avec le Saint-Siège.
Source : Vatican Insider, 22 janvier 2018. Traduit par Jean Duhaime.
Sous licence (Creative Commons Attribution-Noncommercial-No Derivative Works 4.0 International).

 
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